LIVRE RECOMMANDÉ PAR MARIE MODIANO ❣️


RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR
«Il n’est pas d’expression plus vive et plus cruelle de l’amour, que ces incomparables Sonnets. Ce n’est pourtant pas cela qui fait leur gloire. Leur gloire semble encore attachée à l’existence d’un phénomène poétique se déroulant, à travers le lyrisme tour à tour brillant, impassible, féroce et sanglotant, dans une suite de cent cinquante-quatre pièces. Shakespeare, ce noble démon, est probablement ici tout entier, sous les astres de la première partie de sa course.
C’est dans une profonde incertitude, et beaucoup
d’obscurité même, que s’accomplit pour nous le phénomène poétique des Sonnets, si étroitement lié à l’existence d’un homme. Les grandes options sentimentales ou érotiques ne sont pas définies ; le phénomène ne propose ni un concetto, ni une expérience tragique, mais les deux réunis, avec le masque du grand art. Ces Sonnets n’étaient point faits, du reste, pour être lus par le public ; ils étaient conçus pour une récitation à voix basse, ou une confidence amoureuse, ou une sourde querelle. Cette suprême poésie n’a aucune ambition d’être une poésie. Elle est ambitieuse de secret. […]
Un triple amour est exposé. Le plus important est sans conteste celui du poète pour un homme aux yeux admirables, à la chevelure blonde, au teint de parfaite douceur, symbole de la jeunesse. L’autre est un violent lien à une femme noire par les yeux et les cheveux, dont la couleur en soi méprisable est rachetée par une extrême chaleur. Cette femme est de plus foncièrement infidèle au poète envoûté ; elle séduit l’ami, et l’arrache sans doute au premier amour. L’auteur des Sonnets est – à travers ses fictions – le centre d’un triple conflit, avec lui-même, avec l’amant, et avec la maîtresse. L’ensemble des Sonnets lui paraît dès lors comme le drame érotique par excellence, où le poète est identifié à la nature avec ses ambiguïtés et tous ses sens possibles ; où l’aimé couvert de beauté est Éros (sur soi-même incliné) ; où la femme sombre est traitée comme déchéance de la nature ; et le drame a tout l’esprit de la Renaissance.»
Pierre Jean Jouve.