Dans le dix-septième épisode de notre podcast « Stay Wild Keep Reading » Lisette Lombé se confie au micro de Sylvia Minne sur son rapport à la lecture et les origines de son écriture.

Des livres qu’elle aime, la poétesse aimerait juste dire « ce sont des livres qui m’ont chamboulée, saisie à la gorge, je les ai trouvés incandescents ; leur lumière m’habite, habite mes pas encore aujourd’hui »

En complément de notre épisode de podcast, Lisette Lombé a accepté de nous envoyer sa Reading Wild Liste avec un petit mot pour chaque livre choisi. Elle est à vous désormais : découverte de pépites garanties.

JOY HARJO, CARTE POUR LE MONDE À VENIR

Peut-être le livre le plus écorné de ma bibliothèque, avec « Au dos des nuits », du poète Maxime Cotton (éd. Tétras Lyre). Des métaphores cosmiques à toutes les pages. Une invitation, de l’une des plus grandes poétesses américaines contemporaines, à regarder, sentir, goûter, respirer le monde autrement. Je me sens particule infime en lisant Joy Harjo. Comme en lisant Rebecca Elson, Devant l’immense, éd. L’Arbre de Diane)

« Ce matin-là, au moment précis où l’aube commençait à poindre et où je rentrais chez moi, j’ai su que le soleil avait besoin de nous, avait besoin de ma petite chanson à moi, faite de la pression du sang bruissant dans mes poumons et dans mon cœur. »

LAWRENCE FERLINGHETTI, POÉSIE ART DE L’INSURRECTION


Je l’appelle la « petite bible rouge des poètes ». J’ai dû lire ce recueil au moins cent fois. Les jours où je doute plus que d’autres jours de la capacité des mots à agir concrètement sur le monde et ses inégalités, j’y reviens. Pioche, au hasard. Pépite. Punch line. Pirouette. Qu’est-ce que la poésie ? Réponses. A quoi sert le poète ? Réponses. Tout redevient calme et limpide. La sensation d’inutilité, la peur de la posture, du verbiage, du verbe vain se dissipent en une poignée de secondes. C’est un livre de magie qui se lit à haute voix.

Lisette Lombé

JAMES BALDWIN, LA PROCHAINE FOIS, LE FEU

Ce feu à l’intersection des discriminations. Déjà là. Pionnier au-dessus de la mêlée. Puissance de la fiction. Le jour où j’ai lu ce livre, j’ai réalisé ce collage, en chialant. (voir collage)

Lisette Lombé

KAE TEMPEST, CONNEXION

Je ne pourrais pas mieux dire que la poétesse belge Catherine Barsics (autrice de la magistrale enquête poétique « Disparue », éd. L’Arbre à Paroles)
« Printemps 2020 : alors que la crise du Covid-19 impose au monde de se calfeutrer et prive de scène des milliers d’artistes, Kae Tempest nous livre une réflexion toute personnelle sur la créativité et ce qui la nourrit. À l’heure où les réseaux sociaux nous poussent à la représentation perpétuelle, où l’apathie nous gagne au point de nous faire oublier qui nous sommes, Tempest crie l’urgence de nous reconnecter. À nous-mêmes, aux autres, à la réalité, pour que jaillisse l’étincelle vitale de la création. On retrouve dans ce texte tout ce qui fait sa force : une voix qui porte, cogne parfois, et une grâce hors du temps. »

BELL HOOKS, APPRENDRE À TRANSGRESSER

Pour une réconciliation avec le métier d’enseignante.
Pour un dialogue avec Paolo Freire et de sa pédagogie des opprimés.
Pour une vision inclusive du féminisme.
Pour une définition généreuse des alliances et des convergences de luttes.
Pour un essai poétique et incandescent. Un de plus.
Il est toujours question d’amour avec bell hooks.

Lisette Lombé

CLAUDIA RANKINE, CITIZEN, BALLADE AMÉRICAINE

CLAQUE. Mélange assumé de poèmes, d’interviews, de photos, de collages qui éclatent les frontières du roman. Parfois, il suffit d’un mot nouveau pour chambouler nos grilles de lecture. J’ai tapé John Henryhism dans mon moteur de recherche et je me suis sentie comprise.

« Et, bien sûr, tu veux que l’addition des jours signifie davantage que d’être venue sous le soleil et d’avoir bu l’eau potable de ton monde développé. »

HIRABAYASHI TAIKO, DÉRISION

Qu’une écrivaine japonaise du début du siècle précédent me parle à l’oreille comme une voisine, comme une soeur me renvoie dans les cordes de l’humilité de l’art engagé.

« J’avais vécu jusqu’à ce jour en gardant au fond de moi la flamme d’une chandelle qui se ravivait chaque fois qu’elle était sur le point de s’éteindre. Je croyais en l’avenir. Même en plein calvaire, je sentais encore cette petite flamme incandescente qui saurait me guider pour m’en extirper. Jusqu’au bout, toujours, je voudrais protéger cette lumière et me battre. »

Lisette Lombé

LÉON-GONTRAN DAMAS, PIGMENTS-NÉVRALGIES

Moins connus que les poètes de la Négritude qu’étaient Senghor et Césaire, parce que peut-être le plus tranchant ? Tant que ses vers me feront mal et me tordront les tripes, je garderai les manches retroussées, à l’assaut des injustices.

« J’ai l’impression d’être ridicule / dans leur salons / dans leurs manières/ dans leurs courbettes / dans leurs multiples besoins de singeries »

Lisette Lombé

NATALIE GOLDBERG, LES ITALIQUES JUBILATOIRES

Peut-être à ce jour épuisé, ce livre est une mine pour toute animatrice d’ateliers d’écriture mais aussi toute personne en chemin d’écriture. Quelques conseils-pépites qui ont changé ma vie.

Ecrire chaque jour.
Faire face à ma peur de n’avoir rien de valable à dire.
La métaphore vient d’un endroit rempli de courage.
Si tu veux t’enivrer, lis tes auteurs préférés à haute voix et laisse chanter ton corps.

Lisette Lombé

LETTRES AUX JEUNES POÉTESSES, COLLECTIF

Gratitude d’être de cette aventure collective, aux côtés de 20 poétesses vivantes.
Il y a quelques jours, j’ai lu à ma fille et à ma mère la lettre écrite pour elles dans ce recueil.
Deux grandes personnes au bord des larmes, c’est forcément très gênant pour une pré-ado.
Les mots sont posés pour le jour de la discrète réconciliation avec la poésie.
J’accepte d’être une vieille un peu ringarde et de me tenir entre deux lignes ou deux chapitres.
Mais j’aimerais croire que s’entendre dire que l’on est poétesse dès le plus jeune âge peut protéger de l’extinction de soi.

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