« A toutes celles qui vivent dans l’illusion que l’égalité est acquise et que l’Histoire ne revient pas en arrière, je voudrais dire que rien n’est plus précaire que les droits des femmes.
A celles qui ne regardent ni derrière elles ni autour, je voudrais rappeler que les Allemandes de l’Est par exemple ont perdu, à la chute du mur de Berlin, des droits qu’elles croyaient acquis pour toujours. Que les Algériennes, les Iraniennes, les Afghanes et tant d’autres, qui avaient goûté aux premiers fruits de la liberté, ont disparu, du jour au lendemain, sous un voile de silence. Aux Française je rappelle que l’on déplore encore 220 000 avortements en 1999.
A celles enfin qui font confiance aux hommes au pouvoir pour que les choses s’arrangent peu à peu, je voudrais citer une phrase de Virginia Woolf : « L’histoire de la résistance des hommes à l’émancipation des femmes. » Si elles ne défendent pas elles-mêmes les droits conquis par leurs mères, personne ne le fera pour elles.
La condition des femmes ne va pas en s’améliorant dans le monde, contrairement à ce qu’il est reposant de croire. Les hommes sont des analphabètes du féminisme, on le sait. Mais les femmes le sont à peine moins.
C’est pourquoi il n’est jamais trop tard pour lire un livre féministe. Ni trop tôt. Ils n’ont hélas pas pris une ride depuis 25 ans. »
Benoîte Groult est romancière et essayiste, jurée du Prix Femina. Elle a écrit, entre autres : Le Journal à quatre mains, avec sa soeur Flora, les Trois Quarts du temps, les Vaisseaux du coeur (Grasset, 1988).
Source : Grasset