Adélaïde est une amoureuse des livres. Elle avoue en lire 1 à 5 par semaines. Eclectique, libre, passionnée : à l’écouter nous parler des livres qu’elle aime, on brûle de plonger dans chacune des oeuvres qu’elle cite. Transmission et partage garantis.

Adélaïde Bon est auteure. Elle a publié « La petite fille sur la banquise » aux éditions Grasset en 2018. Elle a répondu à notre questionnaire lecture à l’occasion de la Nuit de la Lecture que nous avons organisée pour la deuxième année consécutive à la Maison de la Poésie le samedi 19 janvier 2019. Lien vers la vidéo enregistrée en bas de l’article.

1/ Adélaïde Bon, quelle lectrice êtes-vous ? 

J’ai un rapport irrégulier à la lecture, qui dépend à la fois du type de livre en cours, et du temps que j’ai à y consacrer dans la semaine. Mais il est rare qu’un jour se passe sans lire, je lis un à cinq livres par semaine, je lisais beaucoup plus avant, avant d’être mère, mais ça commence peu à peu à se rétablir. Je lis souvent un essai en même temps qu’un roman, ou plutôt, j’espace le temps de lecture de l’essai par quelques romans, des poèmes par çi par là, des romans graphiques.

2/ Pour vous lire c’est… 

…Tomber. Tomber sous le charme, en pâmoison, à la renverse, tomber. C’est une sensation extrêmement précise, physique, qui se déclenche soudain au détour d’une phrase et dont je ne prends parfois conscience qu’au moment de remonter, de refermer le livre, quand il faut revenir dans ce monde çi.

3/ Premier contact, premier souvenir avec les livres ?

Mes parents sont de gros lecteurs, ma mère était éditrice jeunesse, nous vivions entourés de livres. J’ai grandi avec Roald Dahl, Philip Pullman, Morpurgo, Tolkien, C S Lewis, Melvin Burgess, JK Rowling … C’est drôle, je réalise que je ne lisais presque que des auteurs britanniques, et si peu de femme…

4/ Le premier livre qui vous a marqué ? Pourquoi ?

Un chapitre des Misérables sur les égouts de Paris m’a bouleversée à onze- douze ans, m’a réconciliée pour un temps à une partie de moi que j’essayais désespérément de dissimuler. 

5/ Quel est le premier auteur que vous avez aimé ? Pourquoi ?

Roald Dahl. C’est formidablement drôle et intelligent, les adultes y sont affreux, incapables, parfois même parfois terrifiants, et les enfants doivent se débrouiller tout seuls. J’ai tout lu, de lui, plusieurs fois.

6/ Ce qui vous a séduit dès le début dans l’acte de lire ?

La télétransportation. Ne rien laisser de soi qu’un tas de vêtements sur un lit, et partir très très loin.

Belle du Seigneur. Ce passage quand ils font l’amour pour la première fois, j’en connais encore des bouts par cœur.

7/ Le premier livre qui vous a parlé d’amour ?

Belle du Seigneur. Ce passage quand ils font l’amour pour la première fois, j’en connais encore des bouts par cœur.

8/ Le livre que vous aimez offrir ? Pourquoi ?

L’Art de la Joie, de Goliarda Sapienza. Ce serait terriblement triste que quelqu’un que j’aime meurt sans l’avoir lu. Qu’il ait été privé de connaître Modesta. Elle m’a été d’un tel soutien aux heures sombres. Il y a des personnages, comme ça, qui vous éclairent la vie, pour toujours.

9/ Le livre que vous avez le plus relu ? Pourquoi ?

Honnêtement, je crois que c’est Harry Potter. J’avais seize ans quand le premier tome est sorti. Le deuxième tome, c’est le premier livre que j’ai lu en anglais, pour ne pas à avoir à attendre la belle traduction de Jean-François Ménard. Je regrette d’ailleurs beaucoup d’avoir vu les films, ils ont contaminé mon imagination.

Je relis régulièrement les pièces de Tchekhov, notamment les Trois Sœurs, et la Cerisaie.

Vergers, de Rilke. J’y reviens très souvent. C’est un livre dont j’ai besoin.

10/ Le livre que vous emmèneriez partout avec vous ?

Vergers, de Rilke. J’y reviens très souvent. C’est un livre dont j’ai besoin.

11/ Une citation d’un livre que vous aimez tout particulièrement ?

« Elle s’énervait pourtant de sentir ce monstre, cette brute remuer en elle, de sentir dans son âme, au profond de cette forêt encombrée de feuilles, des griffes se planter et d’entendre des rameaux craquer. Jamais n’être tout à fait contente, tout à fait tranquille. À tout moment, le monstre, cette horreur, pouvait bouger.»

Mrs Dalloway, Virginia Woolf

12/ Le chef d’œuvre que vous aimeriez relire pour la première fois ?

Le ravissement de Lol V Stein, de Marguerite Duras.

13 / La plus grande vertu de la lecture selon vous ?

Créer de l’espace au-dedans de moi. Un espace dont je n’aurai pas eu idée, un endroit où tout peut advenir.

14/ Le personnage romanesque dont vous auriez pu tomber amoureuse ? Pourquoi ?

Aragorn, dans le Seigneur des anneaux. Je suis tombée follement amoureuse de lui à seize ans, rien que d’y penser me fait encore rougir. J’avais peur de le trahir en regardant le film plus tard, mais je dois avouer que Viggo Mortensen était pas mal non plus. 

15/ Votre titre de livre préféré ?

La femme gelée, d’Annie Ernaux. C’est le titre qui me vient tout de suite en tête. C’est  le premier livre d’elle que j’ai lu, par hasard, justement parce que le titre m’avait attirée dans une librairie. Entre la femme gelée et la petite fille sur la banquise, j’avais dû ressentir comme une filiation. Il y a de telles sororités qui se tissent au hasard des mots. J’ai une admiration sans borne pour Annie Ernaux.

16/ Quelle est la place des livres dans votre maison ? 

Ils envahissent toutes les pièces, sauf la salle de bain. J’achète plus de livres que je n’en lis.

17/Pour vous une pièce sans livres c’est … (un verbe, un mot, une phrase…)

Un temple zen.

18/ Votre endroit préféré pour lire ?

Mon lit, le matin, quand je ne devrais pas, que j’ai plein de trucs sérieux et urgent à faire, que je me dis juste dix minutes, que j’émerge une heure plus tard après avoir tourné la dernière page, et que j’invente une excuse bidon pour justifier mon retard. J’adore cette transgression, cette liberté inouïe que je m’accorde en lisant.

19/Votre position préférée pour lire ?

Enroulée dans une couette.

20/ Comment classez-vous votre bibliothèque ?

Par genre (Littérature jeunesse, bouquins de cuisine, essais féministes, romans graphiques, poésie, voyages, …) Et pour la littérature (théâtre et romans) par siècles puis par ordre alphabétique. Je la range tous les 5 ans environ et il suffit qu’un mois passe pour que ce soit à nouveau le chaos.

Les livres nous agissent, nous meuvent, nous confrontent à l’inconnu, au trouble, à l’équivoque. La vie quotidienne est si étriquée. 

21/ Selon vous, en quoi les livres sont-ils essentiels dans nos vies et dans notre société ?

Pour vivre ensemble. Pour trouver du soutien aussi, des amis avec qui faire la route. Pour être déplacé du dedans. Les livres nous agissent, nous meuvent, nous confrontent à l’inconnu, au trouble, à l’équivoque. La vie quotidienne est si étriquée. 

22/ Avec quel(s) auteur(s) auriez-vous aimé entretenir une longue correspondance ?

Mme de Lafayette, Sei Shonagon, Virginia Woolf, … Ne pas leur parler d’écriture, mais échanger avec elles sur nos vies, la couleur du ciel, le soir qui tombe.

23/ Votre secret pour préserver le temps précieux de la lecture ?

Il suffit que la magie opère, que le livre m’emporte, et toutes les urgences factices vont disparaître, je me débrouille. Mais comme je travaille beaucoup par ailleurs, que je suis souvent débordée, je dois me donner autorisations, des ratios, je me raisonne, je me rationne, je suis toujours sur ma faim. Si je pouvais redevenir étudiante et passer des semaines à ne faire que ça, lire. A cette époque, je prenais les transports en commun, je commençais à lire dans l’ascenseur, je lisais en marchant, en m’asseyant dans le métro, je ne levais la tête qu’aux passages piétons. A vélo, c’est impossible.

24/ Le souvenir d’une situation de lecture heureuse ?
Début janvier, j’étais en Islande, et comme toujours quand je suis à l’étranger, je lis des auteurs du pays. Je lisais donc un polar d’Indridason dans une minuscule cabine de bois, sur l’ile Heyman, un volcan en activité sous le lit, nuit noire, un vent furieux, mon mari et mon fils qui dormaient, c’était grisant.

LES PRESCRIPTIONS LITTERAIRES D’ADELAÏDE BON


  • Le livre « pansement » pour un chagrin d’amour ?

Le livre de Dina, d’Hebjorg Wassmo. C’est un livre qui se dévore, en plusieurs tomes, rien de tel pour passer à autre chose. Avant les pages des Editions Gaïa étaient vieux rose, dans un très beau papier, j’adorais. J’ai découvert pas mal d’auteurs nordique juste pour le plaisir de les lire sur ce papier.

  • Le livre « anti-dépresseur » ? 

Noces, de Camus. Je le relis souvent, c’est renversant de beauté physique.

  • Le livre « réparateur » ?

Moi, tituba, sorcière, de Maryse Condé

C’est un livre qui m’a permis de remettre beaucoup de choses dans le bon sens.

  • Le livre qui régénère ?

Beauté fatale, ou Sorcières, de Mona Chollet.

  • Le livre qui bouleverse ?

Lambeaux, de Charles Juliet

  • Le livre pour comprendre le monde ?

Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage, de Maya Angelou

  • Le livre pour amuser la libido ?

Thérèse et Isabelle, de Violette Leduc.

  • Le classique indispensable ?

Une chambre à soi, de Virginia Woolf

  • Le bijou méconnu ?

La Chanson de l’amour et de la mort du cornette Christophe Rilke, de Rilke

  • Votre coup de cœur du moment

L’écriture et la vie, de Laurence Tardieu. 

Le mot de la fin :

S’il ne fallait garder qu’un mot / une phrase, pour vous les livres sont…

Des potions magiques.

BONUS TRACK: VOIR LA VIDEO DE LA NUIT DE LA LECTURE