Fritz Zorn livre un témoignage brut et poignant
Mars est un essai autobiographique écrit par Fritz Angst sous le pseudonyme Fritz Zorn. Adolf Muschg en a fait une préface très engagée. Palmarès du meilleur livre de l’année du Magazine Lire en 1979.
Dans le livre, écrit après que l’auteur a appris qu’il avait développé un cancer, il explique et critique son éducation dans une des régions les plus riches de la Suisse, la Rive dorée (de) de Zurich (strictement parlant Meilen).
Il y affirme que son cancer est d’origine psychosomatique, son éducation étant cancérigène, et affirme avoir été « éduqué à mort ». Zorn revendique la vie qu’il n’a pas vécue : bien que sa jeunesse ait été harmonieuse aux yeux de la bourgeoisie, il s’est complètement tenu hors de la vie. Devenu enseignant après avoir été à l’université, il était dépressif et n’a eu ni amis ni relations amoureuses. Fritz Zorn est mort à trente-deux ans, le jour où un éditeur lui donnait son accord pour publier son manuscrit.
Synopsis
Avant de lire ce résumé, il faut bien prendre en compte le fait que Zorn écrit sa biographie à la fin de sa vie et en fait une critique acerbe. La brièveté des phrases et les répétitions des anomalies de sa personnalité imprime au récit un style lancinant, pesant. Le constat est amer, l’auteur ne raconte pas seulement la noirceur de sa maladie, mais il la communique au lecteur.
Fils de parents appartenant à la vieille bourgeoisie zurichoise, celle des gens fortunés préférant ne pas montrer ostensiblement leurs signes de richesse, il apprend très vite les strictes règles de la bienséance régissant l’intégralité de sa vie familiale. Tout est fait pour que les choses soient harmonieuses, pour qu’il n’y ait pas de désaccord. Ainsi, lorsqu’une personne affirme une chose, les autres ne font rien qui pourrait le contredire ; au contraire, il faut toujours aller dans le même sens, ce qui donne lieu à une surenchère d’accords superficiels. Quand le père de famille se prononce contre le droit de vote des femmes en Suisse, la mère approuve aussitôt cette opinion. À l’inverse, lorsqu’une chose est qualifiée de « mauvaise », elle devient ensuite « abominable » ou « atroce ». Les pratiques sociales des parents sont singulières. Lorsqu’ils parlent à des personnes moins fortunées et a priori moins instruites, ils gardent une certaine distance en employant des tournures tellement polies et surfaites que cela en devient ridicule et résonne avec un mépris évident pour ces personnes qui ne sont pas « bien », c’est-à-dire riches, mais « braves ». Les choses les plus discutables, comme la politique, la sexualité ou la religion sont systématiquement qualifiées de « compliquées ». Puisqu’elles sont compliquées, il vaut mieux ne pas en parler. Tuer dans l’œuf une discussion centrée sur un thème éminemment discutable est nécessaire au maintien de cette harmonie.
A l’école, le jeune Zorn est un élève modèle. Il travaille sérieusement et obtient de bonnes notes dans les toutes les matières sauf en gymnastique. Aux yeux de ses camarades, il passait donc pour quelqu’un s’intéressant aux « choses élevées ». S’il n’était pas spécialement mal aimé des autres écoliers, ses problèmes affectifs lui rendirent impossible l’établissement de liens d’amitié. En arrivant à l’université de Zurich, il n’avait pas eu d’ami, donc pas de petite amie non plus. Ce retard affectif ne lui paraissait pas anormal, à la fac, d’autres étudiants étaient dans son cas. Concernant le vide sexuel dans lequel il est plongé, il préfère jouer la carte des frustrés, en se disant que l’amour est quelque chose d’important, mais qu’il existe bien d’autres choses tout aussi importantes. Le système universitaire n’encourage pas les étudiants à être assidus, si bien que Zorn se décrit lui-même comme un étudiant paresseux. Il laisse ses études en plan dès qu’une occasion de faire autre chose se présente ; pour les autres étudiants de l’université, c’est une personne disponible, toujours prêt à boire un café, au point que tout le monde appréciait sa compagnie ou de faire sa connaissance. Il semble même être quelqu’un de gai, de souriant. Ses qualités littéraires le conduisent à écrire des pièces de théâtres que jouaient d’autres étudiants. Fort de ses succès, il devient même responsable de l’organisation des événements estudiantins au sein de la section des langues romanes. Les études se passent bien au niveau scolaire puisqu’il les termine avec le titre de docteur « sans trop s’énerver ». Mais malgré ces succès incontestables et son apparente normalité, Zorn n’éprouvait jamais de joie, toujours cette même sensation de solitude, de vague à l’âme, de frustration.
Une fois ses études terminées, il donne des cours d’espagnol et s’installe à Zurich dans un superbe appartement. Ces nombreux temps libres ne sont pour lui aucunement des bouffées d’oxygènes, mais plutôt l’occasion d’entretenir sa névrose en écrivant de long en large des mots et des vers portugais mélancoliques. Lorsqu’il découvre être malade du cancer, sa réaction n’est pas celle de gens ordinaires, soit la tendance à être assommé par une nouvelle aussi terrible. Pour lui, son cancer est apparu naturellement, la maladie mentale qui a conditionné toute son existence déborde de son champ psychologique et s’installe dans son corps sous la forme du cancer. Zorn déclare qu’avoir le cancer est la meilleure idée qu’il ait eue. Son traitement modifie son affect, il n’est plus déprimé, mais simplement malheureux. Il est maintenant conscient de la fausseté de sa vie et en attribue principalement la responsabilité à l’absence d’amour – ou de sexualité, comme l’on voudra. À la fin du récit, Zorn juge sévèrement l’éducation que ses parents lui ont donnée ainsi que les valeurs et le mode de vie de la bourgeoisie suisse puritaine.
Postérité
Publié en 1976, le livre a été traduit dans de nombreuses langues. Alex et Daniel Varenne ont fait une bande dessinée en 1988, et Darius Peyamiras un pièce de théâtre en 1986. Monique Verrey, qui a connu Zorn, a critiqué Zorn dans son livre Lettre à Fritz Zorn.
Source : Wikipedia