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Madame Bovary. Mœurs de province, couramment abrégé en Madame Bovary, est un roman de Gustave Flaubertparu en 1857 chez Michel Lévy frères, après une préparution en 1856 dans le journal La Revue de Paris. Il s’agit d’une œuvre majeure de la littérature française et mondiale
Genèse du roman
Flaubert commence le roman en 1851 et y travaille pendant cinq ans, jusqu’en 1856. À partir d’octobre, le texte est publié dans la Revue de Paris sous la forme de feuilleton jusqu’au 15 décembre suivant. En février 1857, le gérant de la revue, Léon Laurent-Pichat, l’imprimeur et Gustave Flaubert sont jugés pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs ». Défendu par l’avocat Jules Senard, malgré le réquisitoire du procureur Ernest Pinard, Gustave Flaubert est blâmé pour « le réalisme vulgaire et souvent choquant de la peinture des caractères » mais est acquitté. Le roman connaîtra un important succès en librairie.
Honoré de Balzac avait déjà abordé le même sujet dans La Femme de trente ans, en 1831, sous forme de nouvelle-roman qui parut en 1842 dans l’édition Furne de La Comédie humaine, sans toutefois faire scandale. C’est en sa mémoire que Flaubert a sous-titré l’œuvre Mœurs de province, faisant référence à la nomenclature de La Comédie humaine.
Au début, Flaubert ne voulait pas qu’on illustrât son roman avec un portrait de femme, pour laisser libre cours à l’imagination du lecteur.
La première phrase du roman (l’incipit) a été rédigée juste avant la publication :
« Nous étions à l’étude, quand le Proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre. »
Résumé
Emma Rouault, fille d’un riche fermier, a été élevée dans un couvent. Elle rêve d’une vie mondaine comme les princesses des romans à l’eau de rose dans lesquels elle se réfugie pour rompre l’ennui. Elle devient l’épouse de Charles Bovary, qui, malgré de laborieuses études de médecine, n’est qu’un simple officier de santé. Emma est déçue de cette vie monotone.
Analyse
Madame Bovary recèle des aspects réalistes et des aspects romantiques, comme l’œuvre de Flaubert, qui oscille elle-même sans cesse de la grisaille à la couleur, de la terne réalité aux fastes de l’imagination. Il y a loin de L’Éducation sentimentale à Salammbô, de Bouvard et Pécuchet à La Tentation de saint Antoine. Mais même lorsque Flaubert entend écrire sur un sujet trivial, il renonce au réalisme pur. Flaubert pouvait affirmer : « Ma pauvre Bovary souffre et pleure dans vingt villages de France ! », preuve qu’il ne s’agissait plus de la simple transcription réaliste de l’affaire Delamare se déroulant à Ry. L’auteur des Trois Contes se situe exactement à la charnière de son siècle, héritant du mal du siècle romantique, cette difficulté à vivre dans un monde borné ; il annonce le spleen baudelairien et l’incapacité à s’accommoder d’une existence qui brime l’idéal. Épurant le romantisme de ses excès, il fonde une certaine impartialité dans le récit, ouvrant la voie au roman moderne fait de critique et d’échec. En effet, un jeu subtil de changement de point de vue permet, tout en épousant parfois le regard romantique de Mme Bovary, de s’en détacher et ainsi de créer ce fameux effet d’ironie flaubertienne.
Madame Bovary a été profondément influencé par Don Quichote, de Cervantes. Flaubert, pendant qu’il écrivait le roman, s’exclama : « Je retrouve toutes mes origines dans le livre que je savais par cœur avant de savoir lire, Don Quichotte .». Alonso Quichano et Emma Bovary désirent ardemment imposer à la vie les conventions du roman de chevalerie et des œuvres romantiques, respectivement, ce qui mène « le héros et l’héroïne à la destruction, la désillusion et finalement à la mort ». Soledad Fox relève que « les emprunts et les transpositions sont substantiels », dans ce roman comme dans L’Éducation sentimentale et Bouvard et Pécuchet, ultérieurement. Le roman de Flaubert est donc notamment un regard littéraire sur la lecture. Flaubert en a parlé aux frères Goncourt, en mars 1861, de la manière suivante : « L’histoire, l’aventure d’un roman, ça m’est bien égal. J’ai l’idée, quand je fais un roman, de rendre une couleur, un ton…/…Dans Madame Bovary, je n’ai eu que l’idée de rendre un ton gris, cette couleur de moisissure d’existences de cloportes. »
Jugement de quelques contemporains
Le 18 octobre 1857, Charles Baudelaire écrit, en parlant du livre, que « les approbations de tous les lettrés lui appartenaient ». Il ajoute : « Plusieurs critiques avaient dit : cette œuvre, vraiment belle par la minutie et la vivacité des descriptions, ne contient pas un seul personnage qui représente la morale. […] Absurdité ! Eternelle et incorrigible confusion des fonctions et des genres ! – La logique de l’œuvre suffit à toutes les postulations de la morale, et c’est au lecteur à tirer les conclusions de la conclusion. »
Flaubert avait envoyé le livre à Victor Hugo, en exil à Guernesey. Celui-ci l’en remercia dans une lettre en date du 30 août 1857 : « Madame Bovary est une œuvre. […] Vous êtes, monsieur, un des esprits conducteurs de la génération à laquelle vous appartenez. Continuez de [tenir] haut devant elle le flambeau de l’art. Je suis dans les ténèbres, mais j’ai l’amour de la lumière. C’est vous dire que je vous aime. »11
Edmond de Goncourt rapporte en 1892 les propos de Dumas fils : « C’est un livre épouvantable ! » Quant à Dumas père, il a jeté le livre par terre, en disant : « Si c’est bon, cela, tout ce que nous écrivons depuis 1830, ça ne vaut rien ! «