« Je me rappelle, par exemple, qu’une des premières raisons de passer à une poésie française fut l’absence de tout équivalent à ce délicieux mot : Verger »
Rainer Maria Rilke
De février 1924 à mai 1925 le poète allemand Rainer Maria Rilke s’approprie à merveille la langue française et écrit « Les Vergers » : un recueil de poèmes, à la beauté fragile et connectés à la nature, en français dans le texte. Il séjourne alors dans le Valais, partie francophone de la Suisse. Le recueil sera publié pour la première fois en 1926. Il mourra en décembre de la même année.
Verger
Peut-être que si j’ai osé t’écrire,langue prêtée, c’était pour employer
ce nom rustique dont l’unique empire
me tourmentait depuis toujours : Verger.
Pauvre poète qui doit élirepour dire tout ce que ce nom comprend,
un à peu près trop vague qui chavire,
ou pire : la clôture qui défend.
Verger : ô privilège d’une lyrede pouvoir te nommer simplement ;
nom sans pareil qui les abeilles attire,
nom qui respire et attend…
Nom clair qui cache le printemps antique,tout aussi plein que transparent,
et qui dans ses syllabes symétriques
« Vergers » – Rainer Maria Rilke
redouble tout et devient abondant.